LA TAPISSERIE AU XIV° SIÈCLE                        29
Verd et les princes de la maison de Valois. Nicolas Bataille lui four­nit./ d'après un texte conservé et publié à Turin, deux chambres entières de tapisserie, composées, chacune de neuf pièces décorées d'aigles et de noeuds. Ces rapports de l'habile tapissier, dont le nom paraît souvent accompagné de la qualité de bourgeois de Paris, avec le souverain d'un État étranger, ne sont-ils pas caractéris­tiques ?
Nous arrivons à l'œuvre capitale de Bataille, à celle qui recom­mande particulièrement son nom à notre attention. Nous voulons parler de Y Apocalypse d'Angers. Les registres de la trésorerie du duc d'Anjou fournissent des détails du plus haut intérêt sur les diverses phases par lesquelles passait l'élaboration d'une tapisserie à cette époque.
Le duc Louis commence par emprunter à son frère, le roi de France, un précieux manuscrit représentant, en un grand nombre de miniatures, les scènes épiques de l'Apocalypse. Le livre est confié à un des artistes les plus renommés de l'époque, Hennequin ou Jean de Bruges, peintre ordinaire du roi Charles V, chargé de repro­duire en grande dimension les scènes du manuscrit. Ces patrons lui sont payés au mois de janvier 1378.
Nicolas Bataille est déjà à l'ouvrage. Dès le mois d'avril de la même année, il reçoit un acompte de 1,000 francs sur la façon de deux draps ou pièces de la tenture en question. Enfin, par un ar­ticle daté des derniers jours de 1379, mentionnant un nouveau payement de 300 francs,, nous savons que le prix de chaque pièce ou tapis était fixé à 1,000 francs, somme énorme pour l'époque et qui prouve à la fois l'importance de l'ouvrage et l'estime dont jouis­sait son auteur.
Depuis quelques années, la tenture d'Angers a été l'objet de sa­vantes études. Ces travaux, notamment la monographie de M. L. de Farcy, alaquelle nous renvoyons le lecteur, nous dispensent d'en­trer dans de longs développements. Encore est-il indispensable de rappeler en quelques mots la composition de ce monument unique, presque aussi curieux dans son genre que la célèbre broderie de Bayeux.
A l'origine, la suite complète se composait de six pièces; une septième fut ajoutée vers la fin du xv0 siècle, par la fille de Louis XI. Chaque panneau, d'une longueur approximative de vingt-quatre mètres, comprenait quinze* sujets : d'abord une grande figure de